L’histoire des « RT » partie 1

jeudi 12 juillet 2018

La mobilisation des réglementations thermiques au service de la transition énergétique (par André Pouget Bureau d’études Pouget Consultants)

Réglementation thermique RT2012 Pouget Consultants
Réglementation Thermique : des acteurs et des utilisateurs

 

L’histoire des « RT » partie 1

La mobilisation des réglementations thermiques au service de la transition énergétique

Par André Pouget - Bureau d’études Pouget Consultants

 

Depuis 1982, POUGET Consultants (une équipe de 50 personnes réparties sur deux sites, Paris et Nantes) s’implique au quotidien, avec passion et détermination, dans la réalisation de chan¬tiers de construction et de rénovation. Dès la conception de ces projets, ces troubadours de la non-énergie interviennent, mus par leur obsession de toujours plus de sobriété (énergie, émissions carbone…), pour concevoir des bâtiments durables, confortables à vivre…

Après une brève rétrospective des réglementations thermiques qui se sont succédées dans le bâtiment depuis 1974 jusqu’à nos jours, nous énoncerons un ensemble de propositions qui sont autant de trajectoires vers l’atteinte de la cible 2050, dans laquelle il est toujours question (nécessairement) d’une plus grande sobriété en tant que passage obligé sur la voie de la transition énergétique, en jouant sur une performance environnementale accrue et sur un recours plus large aux énergies renouvelables. Enfin, nous développerons notre point de vue sur la nécessité, dans l’optique d’une double réduction « consommation d’énergie/émissions de carbone », d’une harmonisation des approches « construction/rénovation » et d’une simplification des méthodes devant permettre de mutualiser les interventions et de créer de la valeur grâce à une massifica¬tion progressive des opérations de rénovation.

Notre contribution à ce numéro de Responsabilité et environnement résonne avant tout comme une volonté de notre part de partager notre expérience (de près de quarante ans) de la maîtrise d’œuvre en matière de rénovation énergétique.

Il était une fois… l’histoire des « RT »

Depuis 1974, sept réglementations « thermiques » (RT) se sont succédé en matière de construction de logements neufs. Elles se sont intéressées successivement à la question de la déperdition de la chaleur, puis aux besoins en chauffage et, enfin, aux consommations d’énergie, soit les trois composantes d’un bilan énergétique :

• les RT 1974 et 1977 ont concerné les déperditions en matière de chauffage (= isolation du bâti) ;

• la RT 1982 : aux besoins de chauffage
(= isolation du bâti/architecture bioclimatique) ;

• les RT 1988, 2000, 2005 et RT2012 : aux consommations d’énergie (= isolation/architecture/équipements performants).

Bilan énergétique étude Pouget

Les déperditions de chaleur : la RT 1974 (décrets du 10 avril 1974 et de juillet 1977 pour le chauffage électrique)

Les principales caractéristiques de la RT 1974 sont :

• un coefficient G exprimant les déperditions globales, en W/m3. C°,

• une application en deux phases : mai 1974 et juillet 1975 (octobre 1977, pour l’électricité),

• 3 zones climatiques : A, B et C,

• des exigences : 7 classes de bâtiments (maisons individuelles MI, immeubles collectifs IC, immeubles bas R, Vh) et 2 types de chauffage (électrique et autres).

La première réglementation thermique en France est apparue en 1974, au lendemain du premier choc pétrolier. Elle est adoptée en réaction à la crise économique consécutive à cet événement important, surtout pour les pays très dé-pendants de ce combustible. « En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées… » : ce slogan de l’époque invitait à faire évoluer nos usages et nos modes de consommation… Côté bâtiment, très vite, il s’est agi de réduire les déperditions de chaleur : toutes les constructions neuves (résidentielles) devaient dès lors être isolées et équipées de doubles vitrages et d’une installation d’aération du volume. Les pouvoirs publics s’étaient inspirés de l’offre promue, à l’époque, par EDF : le CEI (chauffage électrique intégré associé à un bâti de qualité). En matière de déperdition ther¬mique, les seuils exigés étaient plus contraignants dans le cas du chauffage électrique que pour les autres énergies.

Les besoins : la RT 1982 (mars 1982)

La RT 1982 a pour caractéristiques :

• un coefficient G (exprimé en W/m3.°C) et un coefficient B (détermination des besoins de chauffage),

• une entrée en vigueur en septembre 1982,

• 3 zones climatiques : H1, H2 et H3,

• des exigences : 10 classes de bâtiments (MI, IC, R, Vh) et 2 énergies chauffage (électricité et autres).

L’application de la première réglementation a eu une conséquence négative, à savoir une réduction des superficies en parois vitrées. Cette préconisation a certes permis de réduire l’impact économique des déperditions, mais elle s’est accompagnée d’une dégradation de la qualité du bâtiment. Pour y remédier, la deuxième étape réglementaire (la RT 1982) a introduit la prise en compte des apports gratuits, soit l’énergie solaire passive captée par les vitrages. Le capteur solaire le plus efficace, le plus pérenne et n’exigeant aucune maintenance particulière, c’est… la fenêtre ! En 1982, la nouvelle réglementation, qui repose toujours sur la prise en compte d’un niveau d’isolation minimum, a introduit une révision du calcul des besoins en chauffage, lesquels sont désormais égaux aux déperditions diminuées des apports de chaleur gratuits. Les seuils exigés étaient là encore plus contraignants dans le cas du chauffage électrique que pour les autres énergies.

Installation adiabatique Coolea

Les consommations d’énergie : la RT 1988 (avril 1988)

La RT 1988 a pour principales caractéristiques :

• le coefficient GV (W/°C), BV et C Consommations (3 usages : chauffage + ECS + auxiliaires), plus Iaur,

• le calcul du C réf en UEE/m².an en fonction du système de chauffage et d’eau chaude sanitaire (ECS) utilisé et de l’énergie utilisée (électricité, combustibles gazeux, liquides, solides ou réseaux de chaleur) : C projet ≤ C réf et GV ≤ 1,2 GV réf,

• application à partir de décembre 1988,

• 3 zones climatiques : H1, H2 et H3,

• des exigences pour 2 classes de bâtiments (MI et IC) et 2 types de chauffage (électricité I et autres II).

Minimiser les déperditions, privilégier un bâti de qualité, valoriser les apports solaires via les baies vitrées (augmenter les apports gratuits pour réduire plus encore les besoins de chaleur) : tout cela, c’est très bien, mais, in fine, il reste encore à produire cette chaleur par des équipements de chauffage performants. Ce troisième maillon de la chaîne du bilan énergétique fait son apparition dans la troisième réglementation, la RT 1988. En plus des exigences sur les déperditions, puis sur les besoins, apparaît un nouvel indicateur relatif aux consommations énergétiques. Les consommations de chauffage sont égales aux besoins de chaleur majorés des pertes du système (ou : les besoins divisés par le rendement dudit système). Ces consomma¬tions sont exprimées dans une unité « conventionnelle », en UEE (unités d’énergies équivalentes (1), voir ci-après). Les seuils exigés sont calculés en tenant compte du type d’énergie utilisé pour le chauffage (ils sont toujours plus contraignants dans le cas du chauffage électrique que pour les autres énergies).

Consommations : les RT 2000 et RT 2005 (no¬vembre 2000 et mai 2006)

Les caractéristiques de la RT 2000 sont :

• un coefficient C Consommations (3 usages : chauffage + ECS + auxiliaires),

• l’instauration du coefficient U bât,

• la notion de confort d’été : introduction de la tempéra¬ture intérieure conventionnelle (Tic),

• calcul du Créf en énergie primaire, en fonction du système de chauffage + ECS utilisé et de l’énergie utilisée (électricité, combustibles gazeux, liquides et solides, ou réseaux de chaleur),

• entrée en application, en juin 2001,

• 3 zones climatiques : H1, H2 et H3,

• paramètres d’exigences : 2 selon les énergies utilisées (l’électricité et les autres).

La RT 2005 adopte la même approche que la RT 2000. Applicable à partir de septembre 2006, elle en actualise les exigences et instaure 8 zones climatiques (H1a, H1b, H1c, H2a, H2b, H2c, H2d et H3) au lieu de 3.

Les deux étapes réglementaires que sont la RT 2000 et la RT 2005 se rapportent toujours au bilan énergétique, mais sous l’angle des consommations. L’unité conventionnelle (UEE) disparaît pour être remplacée par une unité plus physique, l’énergie primaire. Il s’agit de kWh d’énergie finale pondérés du coefficient de conversion « final/primaire ». Le vecteur électricité est affecté du coefficient 2,58 – pour les autres énergies, le coefficient est de 1. L’exigence « droit à consommer » est elle aussi calculée : elle dépend de l’énergie choisie pour le projet, ce qui fait que le coefficient de conversion, s’appliquant à la fois à l’exigence et au projet, n’est pas un facteur déterminant. Comme pour les précédentes RT, il existe un indicateur de la qualité du bâti (son niveau d’isolation) : il s’agit du coefficient Ubât. Ce coefficient est très opérant pour veiller à la qualité du bâti et il est aussi très pédagogique (il permet de bien appréhender le niveau de la prestation d’isolation). Grâce à cette approche, on constate de réels progrès/innovations dans les solutions concernant l’enve¬loppe des bâtiments (performances des isolants et des parois vitrées, étanchéité à l’air…).

Important : C’est à l’étape de la RT 2000 qu’apparaît, pour la première fois, la question du confort d’été ! (avec l’instauration d’une température intérieure conventionnelle (Tic)). Enfin, il est à noter que cette nouvelle réglementation s’applique non seulement au secteur des bâtiments résidentiels, mais aussi à celui des bâtiments neufs non résidentiels. La seconde étape, la RT 2005, prend en compte 5 usages : chauffage, ECS, auxiliaires, éclairage et rafraîchissement, au lieu de 3 auparavant, et retient 8 zones climatiques (au lieu de 3 précédemment).

Réglementation thermique et lanterneaux Bluetek

Aujourd’hui : un bâtiment robuste, responsable, désirable (2) ?

Les consommations : la RT 2012 (octobre 2011)

La RT 2012 se caractérise par :

• un coefficient C Consommations (5 usages : chauffage + ECS + auxiliaires + éclairage + rafraîchissement),

• un nouvel indicateur de la qualité du bâti : introduction du coefficient Bbio (nb : 9 ≤ 0,6 W/(m.K))

• la fixation à la baisse de la Tic (confort d’été),

• calcul du Créf (en énergie primaire fixe, indépendante du type d’énergie utilisé),

• une application à partir de janvier 2102 pour le non rési¬dentiel et de janvier 2013 pour le résidentiel,

• 8 zones climatiques (dito 2005),

• des exigences exprimées en kWhep, avec une modu¬lation selon le type de bâtiment, la zone géographique, l’altitude, la surface et les émissions de GES.

La RT 2012 se positionne toujours en termes de consom¬mations exprimées en énergie primaire. La grande diffé¬rence réside principalement dans la définition des seuils exigés en Créf. Les précédents « droits à consommer » étaient calculés en fonction de l’énergie choisie pour le projet. Avec la RT 2012, l’exigence fixe est indépendante de l’énergie retenue. En fait, cette formulation s’inspire fortement de celle prévalant pour l’attribution du label BBC promu par l’association Effinergie (arrêté du 8 mai 2007). Comme pour ce label, l’exigence nominale est de 50 kWhep/m²/an modulée (voir plus haut). Si cette cible exprimée en un chiffre rond est facile à retenir, elle s’avère délicate à respecter lorsqu’il est fait appel à une solution électrique à effet Joule et, en revanche, relativement plus aisée à atteindre pour les solutions utilisant des combustibles fossiles. Avec quelques années de recul, on constate, au moins pour le secteur des logements collectifs, une progression du recours au gaz au détriment (prin¬cipalement) de l’électricité.

Le paramètre Ubât garantissant la qualité du bâti disparaît. Un nouveau coefficient est introduit, il s’agit du coefficient (sans unité) Bbio (besoins bioclimatiques). Cette exigence caractérise des composantes liées à la conception du bâti : chauffage, refroidissement et éclairage. Il s’agit de vérifier que le coefficient Bbio du projet est effectivement inférieur au Bbio maximal exigé. Celui-ci est complexe à « caler » par rapport aux spécificités du projet considéré, malgré les différentes modulations appliquées. Pour éviter des difficultés d’application, l’exigence est relativement « laxiste » dans son application : de fait, dans bien des cas, cette exigence n’est malheureusement pas opérante. Concrètement, cette situation peut conduire à des prestations d’isolation médiocres qui sont incompatibles avec les cibles visées à l’horizon 2050…

Réglementation thermique et lanterneaux désenfumage

Petit aparté sur les « ponts thermiques(3) »

La première référence aux ponts thermiques apparaît au début des années 1970, avec l’adoption de la première réglementation thermique et le développement du procédé de l’isolation par l’intérieur. « [...] Il est nécessaire de renforcer l’isolation et, bien souvent, on ne pourra le faire qu’en corrigeant les ponts thermiques, faute de quoi, il serait illusoire d’augmenter l’épaisseur des isolants... », écrivait Maurice Croiset, du CSTB, en avril 1972 ! 

Quatre décennies plus tard, l’avertissement a fini par être entendu. Il s’agit d’une nouveauté importante de la RT 2012, qui est peut-être moins « médiatisée » que le coefficient Bbio. Il est exigé de traiter le pont thermique de la liaison du plancher intermédiaire avec la façade (art. 19 de l’arrêté d’octobre 2010). Même si cette exigence n’est que peu contraignante, elle a quand même permis des améliorations notables dans les modes constructifs, et donc de la qualité, et des performances durables !

L’exigence « confort d’été » est maintenue avec le calcul de la Tic. À l’usage, cette approche s’avère peu « opéra-tionnelle », une autre méthode est en cours de préparation. Enfin, comme pour la précédente étape réglementaire, la RT 2012 couvre les deux secteurs précités, le résidentiel et le non résidentiel, ainsi que les cinq usages énergé¬tiques et les 8 zones climatiques déjà cités.

(1) UEE = produit des consommations en kWh d’énergie finale par le « coefficient d’équivalence », et ce, en rapport avec le coût de l’énergie (voir les règles Th C 88 CSTB).

(2) Voir le rapport du groupe de travail « Réflexion Bâtiment Respon¬sable 2020-2050 » (RBR 2020/2050) – Plan Bâtiment durable : http://www.planbatimentdurable.fr/reflexion-batiment-respon¬sable-2020-2050-r231.html 

(3) https://www.lemoniteur.fr/article/simplifier-les-exigences-de-la-rt-2012-oui-mais-dans-le-bon-sens-24608976

Tableau ponts thermiques article Réglementation Thermique

(Extrait Responsabilité & environnement / partie 1) – avril 2018 – n° 90 - © Annales des Mines

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